Daniela Hăisan

Universitatea  „Ştefan cel Mare” Suceava, România

Otilia Cazimir : écrivaine-traductrice

Dans bien des cultures, parmi les figures de traducteurs, on retrouve assez souvent le cas des écrivains qui traduisent un écrivain, des « grands qui traduisent les grands » (Sénécal, 1997) ; entre traduire et écrire s’instaure alors un rapport particulièrement complexe, le processus créatif qui résulte est très souvent une réécriture, car l’écrivain concurrence – consciemment ou non – le traducteur. La culture roumaine, qui doit beaucoup à l’activité de traduction (la traduction enrichissant la littérature nationale), offre de nombreux exemples de noms d’écrivains-traducteurs/de traducteurs-écrivains qui mériteraient une attention et une analyse minutieuse et systématique en traductologie.

Otilia Cazimir, surnommée « la poètesse des cœurs simples », a été une écrivaine connue surtour pour sa littérature d’enfance et de jeunesse, mais elle a été aussi une journaliste et une traductrice très prolifique. En cinquante-cinq années d’activité littéraire, elle a traduit plus de cinquante volumes et presque cinquante fragments du français, du russe et de l’anglais, fragments restés dans les périodiques de son temps. Pour certaines versions, elle a utilisé comme point d’appui quelques traductions brutes réalisées par des écrivains-traducteurs roumains de l’allemand, et du chinois, qu’elle a stylisées.

De la littérature russe, elle traduit les œuvres des auteurs : Aksakov, Al. I. Kuprin, K. D. Ushinski, M. Bulatov, Vera Panova, S. Mihalkov, Lev Kassil, Maksim Gorki, K. Fedine, Galina Nikolaeva, M. Slonimski, Agnia Barto, Anna Karavoeva, M. Bubenov, K. Voinici, Valentine Kataïev, Alexei Tolstoï, Arkadie Gaidar, A. P. Tchekhov, N. Postupalskaia, Leonid Leonov, V. Korolenko et Muhtar Auezov ; de la littérature française : Guy de Maupassant, J. H. Rosny, J. F. Merlet, Jean Giraudoux, Charles de Peyret Chappuis, Gaston Baty ; de la littérature anglophone : George Bernard Shaw, Arthur Conan Doyle. Elle traduit de la prose, tout comme de la poésie ou des pièces de théâtre.

Otilia Cazimir a traduit du français dès sa période du lycée étant une excellente connaisseuse de la langue et de la littérature françaises. Elle pensait que ce travail assidu du traduire devait être réalisé seulement par un artiste, un esprit plein de talent et de sensibilité artistique (Dima, 2010). Elle a été préoccupée par l’empathie du traducteur avec l’auteur à traduire, par leur congénialité (Venuti, 1995), malgré le fait qu’elle a rarement décidé les textes à traduire.

Le point de départ et le corpus de notre analyse est constitué par ses traductions de Maupassant (corpus français) et Arthur Conan Doyle (corpus anglais).

Tout en utilisant la méthode proposée par Mona Baker (« forensic stylistics », 2000), nous allons esquisser le profil de la traductrice Otilia Cazimir, à partir des structures (variété du lexique employé, syntaxe, côté paratextuel) qui y sont spécifiques. Nous allons aussi vérifier la « voix », la « visibilité » du traducteur à partir de ce cas particulier. Le choix est l’élément central de n’importe quelle philosophie du style, et les choix qu’elle a fait en traduction (au niveau micro- comme macro-textuel) montrent que la traduction a représenté pour l’écrivaine roumaine un excellent exercice de style, un précieux exercice d’artisan.

CV: Daniela Hăisan est enseignante dans le cadre du département d’anglais de la Faculté de Lettres et Sciences de la Communication de l’Université « Ştefan cel Mare » de Suceava. Elle a soutenu un doctorat en traductologie et a participé à plusieurs colloques internationaux sur la traduction. Elle est membre du comité de rédaction de la revue Atelier de traduction (co-éditeur des numéros 19, 20, 24 et 25 de la revue) et fait partie du programme CNCS PN-II-ID-PCE-2011-3-0812 (Projet de recherche exploratoire) Traduction culturelle et littérature(s) francophone(s) : histoire, réception et critique des traductions, Contrat 133/27.10.2011. Elle a publié un livre sur la prose d’Edgar Allan Poe en roumain (2014) et une vingtaine d’articles ou chapitres sur l’histoire, la théorie et la critique de la traduction (« Narratives of E. A. Poe in French and Romanian and Related Flotsam and Jetsam », in Les traductions extraordinaires d’Edgar Allan Poe, Éditions du CIPA, Mons, 2010 ;  « Traduire Maupassant en roumain : les cas des adjectifs subjectifs », în Bogdanka Pavelin Lešić (dir.), Francontraste : l’affectivité et la subjectivité dans le langage, Éditions du CIPA, Mons, 2013 ; « La retraduction: miroir magique, boîte catoptrique ou kaléidoscope. Poil de Carotte et les sept versions roumaines », in Douglas, Virginie; Cabaret, Florence (dir./eds.), La retraduction en littérature de jeunesse / Retranslating Children’s Literature, Peter Lang, Bruxelles, 2014 ;  « (Un)Masking the Red Death in Romanian Translations » (Chapter 22), in Emron Esplin & Margarida Vale de Gato (eds.), Translated Poe, Lehigh University Press, The Rowman & Littlefield Publishing Group, Bethlehem, London, 2014) ; « Les traducteurs dans l’histoire : le cas de Morella (E. A. Poe) en roumain », in Translatio  y  Cultura, Editions Dykinson – Madrid, 2015 ; « Jules Verne en traduction roumaine. La terminologie gastronomique et maritime dans le roman Le tour du monde en 80 jours », in Chassagnol, Anne ; Larsonneur, Claire (eds.), Traduire la littérature de jeunesse, e-Corpus, Paris 8 University Library, 2016).  daniella.haisan@gmail.com